jeudi 8 janvier 2015

Hier soir je suis tombée dans le fossé...



Oui, c'est vrai, je suis tombée dans un fossé... Un petit accident très bête et sans grande conséquences à part de me retourner les entrailles un tant soit peu. Je suis tombée dans le fossé en voulant faire demi-tour en voiture sur une route mal éclairée, alors que je venais de rater le tournant pour aller chercher mes pizzas, car je conduisais plutôt distraitement, quelque peu perdue dans mes pensées. Je n'ai pas vu le fossé, ou du moins pas vu le début du fossé. J'ai lâché l'embrayage car la voiture faisait encore une fois des siennes (l'accélérateur s'emballe seul parfois sans raison, et surtout sans que j'aie le pied sur la pédale de l'accélérateur, ce qui est quand même assez préoccupant). J'ai appuyé sur le frein, et n'ai pas repris ma manœuvre immédiatement car une voiture passait à ce moment sur la route. C'est à ce moment que j'ai senti l'avant de la voiture piquer du nez dans le fossé. Et j'ai tout de suite pensé « Oups ». Puis ont suivi dans mon esprit tout un cortège de pensées pas très réjouissantes car, pour connaître assez bien les fossés du village, je sais qu'ils sont profonds et qu'une fois qu'on y est entré, il est bien difficile d'en ressortir. Je me voyais déjà appeler la dépanneuse juste pour pouvoir allez chercher mes pizzas, et j'enrageais dans mon fort intérieur et maudissait aussi un peu M. Isis d'avoir suggéré que nous prenions des pizzas au camion ce soir.





Ce petit accident m'a retournée, c'est vrai. Il n'y a rien eu de grave pour moi, mais tout ce qui m'a traversé l'esprit a dérangé mon train-train quotidien.

Ce petit accident m'a quelque peu chamboulée, mais ce n'est rien à côté du choc que je me suis pris dans la poitrine quand, le soir, après avoir couché Mistinguett, j'ai compris en zappant sur quelques chaînes au hasard et en voyant le rectangle « Je suis Charlie » affiché sur plusieurs d'entre elles, que quelque chose de grave était arrivé. Quand j'ai compris ce qui s'était passé à Paris, j'ai été comme anéantie l'espace d'un instant. 

Charlie Hebdo, Cabu... Des icônes, un symbole de la liberté d'expression. Douze personnes mortes. Onze autre blessées. Un véritable massacre dans ma ville presque natale (parce que je ne suis pas née en vrai à Paris).

Paris, là où j'ai habité toute mon enfance, dans le 11ème arrondissement, où ma grand-mère habitait et où mon lycée se trouvait.

Hier soir je suis tombée dans un fossé, mais la liberté d'expression, et celle de la presse, sont tombées dans un gouffre.


Mon accident à moi c'est bien terminé. Deux âmes charitables (et grands gaillards) m'ont gentiment aidée à sortir la voiture du fossé. A priori la voiture n'a rien. Je n'ai rien non plus. L'embrayage sentait un peu le roussi, mais aujourd'hui, après le froid de la nuit, tout semble en parfait état.

La liberté d'expression, par contre, ne s'est pas remise en une nuit du choc subi hier. Je sais que cet évènement marquera les esprits. Je ne sais pas si l'on retrouvera les auteurs de cette tuerie. Je ne suis pas sûre que leur jugement et condamnation, aussi équitables soient-ils, puissent enrayer la machine qui est en route depuis quelques années.

Le monde marche sur la tête, et certaines forces en puissance, à défaut de me faire peur, font naître de nombreux points d'interrogations dans mes pensées, et les obscurcissent aussi à certains moment.

Je pense à ma fille qui n'en est qu'au début de sa vie. J'espère qu'elle n'aura pas à connaître de multiples barbaries. J'espère pouvoir lui transmettre les armes (ou devrais-je plutôt dire les outils ?) nécessaires pour affronter les aléas de la vie, qu'ils nous touchent personnellement ou qu'ils nous englobent malgré nous dans une mécanique à grande échelle.


Aujourd'hui, je me sens un peu comme Freddy :(